• Publié par Akim Demora

Et si on arrêtait de viser la perfection pour devenir (enfin) résilients ?

  • Décryptage

    Nous sommes à un moment charnière. Le monde que nous connaissions – celui des moyennes stables et des prévisions fiables – a cédé la place à un univers d’écarts types, où les fluctuations, les crises et l’instabilité dominent. Les modèles traditionnels de gestion, axés sur la performance linéaire et l’efficacité maximale, peinent à suivre.

    Il est temps de repenser nos approches pour intégrer plus de robustesse et d’adaptabilité. Mais comment faire ? Et si nous regardions du côté des systèmes vivants, ces experts en résilience ?

    Leçon du vivant : imparfait, mais incroyablement résilient

    La nature, un maître en robustesse

    Dans la nature, rien n’est parfait… et c’est précisément ce qui fait sa force. Les écosystèmes ne s’appuient pas sur des structures rigides, mais sur des principes d’adaptabilité et d’interconnexion.
    Par exemple :

    • Une forêt peut survivre à des incendies parce qu’elle possède une biodiversité riche et des cycles naturels de régénération.
    • Les organismes vivants intègrent des marges d’erreur dans leur fonctionnement : les cellules ne sont pas parfaites, mais leur diversité permet une redondance qui compense les défaillances.

    Ce que cela nous enseigne :

    • La redondance n’est pas un luxe : dans un système robuste, plusieurs éléments remplissent une même fonction pour prévenir les pannes totales.
    • La diversité est un atout : des solutions variées augmentent la capacité d’un système à s’adapter aux imprévus.
    • L’imperfection crée de la stabilité : contrairement aux systèmes humains qui visent l’optimisation, la nature prospère grâce à un équilibre entre efficience et souplesse.

    Les « contre-performances » : ces imperfections qui renforcent

    Dans le cadre professionnel, nous avons souvent tendance à éliminer tout ce qui semble ralentir ou s’écarter du chemin « optimal ». Pourtant, ces « contre-performances » peuvent être des moteurs cachés de résilience et d’innovation.

    Exemples concrets :

    • Les pauses informelles : Ce moment où vous discutez autour d’un café avec vos collègues. Au-delà du « temps perdu », c’est souvent là que naissent des idées nouvelles, que des solutions émergent, ou que des liens se renforcent. Ces instants nourrissent l’esprit d’équipe et la créativité.
    • Les solutions locales : Dans les grandes organisations, les initiatives issues des équipes terrain sont parfois perçues comme des écarts par rapport aux standards. Pourtant, ces solutions, ajustées à des contextes spécifiques, sont souvent les plus efficaces.
    • Le droit à l’erreur : Encourager l’expérimentation, même au risque de l’échec, permet de développer des approches novatrices. Comme le dit l’adage, « celui qui ne se trompe jamais ne fait jamais rien d’innovant. »

    Effet secondaire positif : la robustesse

    Ces « contre-performances » introduisent une forme de souplesse dans le système, créant des espaces pour innover, expérimenter et s’adapter aux imprévus. Elles jouent le rôle du « jeu dans les rouages » qui empêche la machine de se briser sous pression.

    Pourquoi le modèle linéaire ne fonctionne plus

    Les limites du modèle traditionnel

    Depuis des décennies, les entreprises ont optimisé leurs processus pour réduire les coûts, maximiser les gains et atteindre leurs objectifs avec une précision quasi mathématique. Mais ce modèle, efficace dans un environnement stable, devient fragile dans un monde marqué par :

    • Des crises successives : économiques, sanitaires, climatiques.
    • Une interdépendance croissante : perturbation des chaînes logistiques, cyberattaques, crises géopolitiques.
    • Des événements extrêmes : comme le blocage du canal de Suez ou les méga-feux.

    L’illustration parfaite : le canal de Suez

    Lorsque le porte-conteneurs Ever Given a bloqué le canal, un « simple » événement a paralysé une grande partie du commerce mondial pendant des jours. Ce type de fragilité est le symptôme d’un système trop optimisé, sans redondance ni flexibilité.

    Construire la robustesse : leçons pour les entreprises

    Dans ce contexte, il est urgent de revoir nos modèles. Voici quelques principes issus de la résilience des systèmes vivants pour guider cette transformation.

    Acceptez le désordre contrôlé

    Plutôt que de chercher à éliminer toutes les imperfections, accueillez-les comme des opportunités :

    • Créez des espaces pour des initiatives locales.
    • Laissez place à des approches alternatives, même si elles semblent moins efficaces à court terme.

    Diversifiez vos solutions

    Ne misez pas tout sur une stratégie unique. Dans un monde incertain, avoir plusieurs options permet de mieux gérer les imprévus. Par exemple :

    • Diversifiez vos fournisseurs pour éviter les ruptures de chaîne d’approvisionnement.
    • Développez des compétences transversales au sein des équipes.

    Donnez plus de pouvoir aux marges

    Les « marges » – qu’il s’agisse d’équipes locales, de nouveaux collaborateurs ou de projets pilotes – sont souvent les premières à détecter les signaux faibles et à proposer des solutions innovantes. Donnez-leur la place de s’exprimer et d’agir.

    Privilégiez les relations sur les transactions

    Dans un monde fluctuant, la force réside dans les interactions humaines. Renforcez la coopération, que ce soit en interne ou avec vos partenaires, clients et communautés locales.

    Le chemin de traverse : un modèle plus humain et durable

    Pourquoi choisir la robustesse ?

    Le modèle linéaire, c’est l’autoroute : rapide, mais monotone et fragile. Le modèle robuste, c’est le chemin de traverse : moins prévisible, parfois semé d’embûches, mais infiniment plus riche et durable.

    Ce chemin permet de :

    • Créer des organisations capables de s’adapter rapidement aux crises.
    • Favoriser des environnements de travail plus humains et collaboratifs.
    • S’inscrire dans une logique durable et en phase avec les défis environnementaux.

    Conclusion : Le futur appartient à ceux qui osent ralentir

    La robustesse, ce n’est pas renoncer à la performance. C’est repenser la performance pour l’intégrer dans un monde fluctuant. Cela signifie :

    • Accepter que l’imperfection est une force.
    • Donner du jeu aux rouages.
    • Miser sur la coopération et l’adaptabilité.

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